L'homme pressé (Cantat/Noir Desir)
- 1996 -
album : 666.667 Club

PAROLES

J'suis un mannequin glacé
Avec un teint de soleil
Ravalé, Homme pressé
Mes conneries proférées
Sont le destin du monde
Je n'ai pas le temps je file
Ma carrière est en jeu
Je suis l'homme médiatique
Je suis plus que politique
Je vais vite très vite
J'suis une comète humaine universelle
Je traverse le temps
Je suis une référence
Je suis omniprésent
Je deviens omniscient
J'ai envahi le monde
Que je ne connais pas
Peu importe j'en parle
Peu importe je sais
J'ai les hommes à mes pieds
Huit milliards potentiels
De crétins asservis
A part certains de mes amis
Du même monde que moi
Vous n'imaginez pas
Ce qu'ils sont gais

Qui veut de moi
Et des miettes de mon cerveau
Qui veut entrer
Dans la toile de mon reseau

Militant quotidien
De l'inhumanité
Des profits immédiats
Des faveurs des médias
Moi je suis riche, très riche
Je fais dans l'immobilier
Je sais faire des affaires
Y'en a qui peuvent payer
J'connais tout Paris
Et puis le reste aussi
Mes connaissances uniques
Et leurs femmes que je...
Fréquente évidemment
Les cordons de la bourse
Se relâchent pour moi
Il n'y aplus de secrets
Je suis le Roi des rois
Explosé l'audimat
Pulvérisée l'audience
Et qu'est-ce que vous croyez
C'est ma voie c'est ma chance
J'adore les émissions
A la télévision
Pas le temps d'regarder
Mais c'est moi qui les fais
On crache la nourriture
A ces yeux affamés
Vous voyez qu'ils demandent
Nous les savons avides
De notre pourriture
Mieux que d'la confiture
A des cochons

Qui veut de moi
Et des miettes de mon cerveau
Qui veut entrer
Dans la toile de mon reseau

Vous savez qui je suis
Un homme pressé
Un homme pressé
Un homme pressé
J'suis une victime en fait
Un homme pressé
Un homme pressé
Un homme pressé
J'suis un militant quotidien
De l'inhumanité
Et des profits immédiats
Et puis des faveurs des médias
Moi je suis riche, très riche
Je fais dans l'immobilier
Je sais faire des affaires
Y'en a qui peuvent payer
Et puis je traverse le temps
Je suis devenu omniprésent
Je suis une super référence
Je peux toujours ram'ner ma science
Moi je vais vite, très vite
Ma carrière est en jeu
Je suis l'homme médiatique
Moi je suis plus que politique
Car je suis un homme pressé
Car je suis un homme pressé
Car je suis un homme pressé
Car je suis un homme pressé
Car je suis un homme pressé
Car je suis un homme pressé

Love Love Love
Dit-on en Amérique
Lioubov
Russie ex-Soviétique
Amour
Aux quatre coins de France

ANALYSE

"L'homme pressé", titre extrait de l'album 666.667 Club est l'un des titres du groupe les plus diffusés à la radio d'où la popularité de cette chanson qui reflète à elle seule les principaux "coups de gueules" de Noir Désir.
Cette chanson est le discours fictif d'un homme d'affaire puissant dont la nationalité n'est pas clairement donnée même s'il paraît être français
: "J'connais le tout Paris". Le discours tenu par cet homme est un modèle de cynisme et de condescendance à l'égard de tout ceux qui lui sont socialement inférieurs et qui se retrouvent donc sous son contrôle indirect puisqu'il gère tous les médias. Cet homme se décrit lui-même comme une divinité glacée, insensible dont la moindre parole fait figure d'oracle, de vérité universelle quelle qu'en soit la pertinence, il semble d'ailleurs s'amuser de la crédulité populaire face à des inepties qu'il assume sans aucune honte : "Mes conneries proférées sont le destin du monde".
L'Homme pressé court après le temps, sa "carrière est en jeu" il ne peut se soucier du reste, il doit avant tout attirer le feu des projecteurs sur lui s'il veut garder la première place dans les luttes d'influences : "Je suis l'homme médiatique je suis plus que politique je vais vite très vite". Le caractère divin, omnipotent de cet homme est renforcé par l'atemporalité qu'il revendique, il survole toutes choses et nul ne peut échapper à son
emprise, seulement ce survol est lointain, juste assez près pour conserver une main-mise sur le monde, mais pas assez rapproché pour en connaître les subtilités humaines. Mais cet homme s'en souci peu, seul le pouvoir l'obsède et s'il connaît peu de choses du monde il peu au moins en rire avec "certains de [ses] amis". Pour lui les autres ne valent pas la peine d'une investigation approfondie, l'important est de les garder dociles, rivés à leur télévison et avides de consommer. Puisque dans "son monde" tout se vend il se met lui-même aux enchères :"Qui veut de moi et des
miettes de mon cerveau". Il propose également à de futures proie d'"entrer dans la toile de [son] réseau". La métaphore arachnéenne est ici évidente ainsi que la référence au "web"(toile en anglais). Ce "militant quotidien de l'inhumanité" comme il aime à se qualifier, étend ses tentacules virtuelles sur tous les domaines qui ont trait à la finance et qui sont susceptibles de lui rapporter de l'argent. Il a de l'expérience et des relations dans les milieux huppés sans pour autant paraître s'attacher à quiconque il flatte, il trompe, il ment pour arriver à ses fins et les femmes n'ont de charmes pour lui que si elles sont mariées à d'autres :"J'connais le tout Paris [...] mes connaissances uniques et leurs femmes que je ... fréquente évidemment". Son omniscience flatte tellement son égo qu'il n'hésite par à insulter le peule, peuple qui fait pourtant chaque jour croître sa fortune : "8 milliards de crétins asservis [...] On crache la nourriture à ces yeux affamés Vous voyez qu'il demande Nous les savons avides de notre pourriture". Dans le dernier couplet,"l'homme pressé" s'érige en
martyr: "je suis une vitcime en fait" et sur ce point il n'a peut-être pas tort bien que de son point de vue le propos soit ironique puisqu'il estime être stréssé en permanence, n'avoir plus de temps à lui il est bien plus sûrement vitcime de son ambition, de son avidité et de son obsession pour le pouvoir et l'argent que ne le sont ses "proies", les "8 milliards de crétins asservis" par ses chaînes de télé. En effet il désire tellement être au sommet de tout qu'il en devient vulnérable, sa place est convoité et il est difficile pour un seul homme de tout contrôler sans faire de faux pas qui pourrait le faire dégringoler du pied d'estale sur lequel il s'est installé . Noir Désir nous livre ici un portrait grinçant de l'abus de pouvoir à travers les mots d'un homme si pressé qu'il passe à côté de tout, tout en se persuadant qu'il est invulnérable. La chanson se termine par un choeur de petites filles chantant de manière désordonnée l'Amour qui n'a guère place ici sauf bien sûr si un quelconque profit peut y être associé.

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